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#VendrediLecture : « A la folie », de Joy Sorman

Ce pourrait être le titre d’une comptine pour enfants ou d’une chanson romantique de Juliette Armanet. Avec « A la folie », l’écrivaine Joy Sorman a choisi de raconter l’univers cru et pourtant touchant de l’hôpital psychiatrique. Habituée de l’immersion avec ses deux précédents romans, Comme une bête (Gallimard, 2012) et La peau de l’ours (Gallimard, 2014), là encore Joy Sorman a choisi de raconter l’HP en le vivant. Ainsi, chaque mercredi, pendant un an, elle s’est rendue au « pavillon 4b » de l’un de ces hôpitaux. Elle y fait la connaissance de Franck, 40 ans, « bien connu au pavillon 4B, il y fait des séjours réguliers depuis plus de vingt ans », Maria, « la sorcière aux pieds nus », le « splendide Youcef », mais aussi Robert, le doyen, Julia, Jules, Esther ou encore les infirmiers, Barnabé et Catherine, Adrienne, l’agent de service hospitalier (ASH), « trente-cinq ans de métier » et son incommensurable patience, et Sarah et Eva, médecins psychiatres. Elle y longe ces longs couloirs interrompus par d’innombrables portes dont elle saura bientôt qu’ils fondent l’organisation entière de cette institution.

Grâce à cette fresque quasi sensorielle, Joy Sorman défait les stéréotypes qui collent à l’hôpital psychiatrique, tout en les validant. Ce pavillon 4b est comme on pourrait se l’imaginer : « propre, clair, moderne et sans vie ». « L’aménagement y est fonctionnel, économique », « aux normes de l’esthétique administrative ». La description olfactive des lieux est à l’image du tableau présenté plus haut. L’odeur y est insipide, un mélange « de collectivité et de macération, de détergent… bref une odeur d’enfermement ». Derrière les regards, les mains tendues, la bienveillance certaine du personnel soignant, on retient surtout les défaillances d’un système lui aussi malade. Face au manque de personnel, s’ajoutent désormais de nouvelles exigences, des cadences plus folles, rythmées par toujours plus de tâches administratives et de contrôles de respect des procédures.

Cette fresque est un témoignage à la fois brut et tendre mais nécessaire, à lire chez Flammarion.