Avec le soutien de

Covid-19 : l’art au secours de la santé mentale

Les cas de Covid-19 semblent se stabiliser depuis le début de la deuxième vague de la pandémie au Québec, mais une autre courbe atteint des niveaux inquiétants : celle des problèmes de santé mentale. Est-ce que l’art pourrait être un remède ?

Plus que jamais, le potentiel de l’art pour apporter un bien-être psychologique en situation de crise fait l’objet d’études.
Shutterstock

Karine Rajoelisolo Debergue, Université du Québec à Montréal (UQAM); Caroline Coulombe, Université du Québec à Montréal (UQAM) et François Audet, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Les risques psychosociaux associés à la Covid-19 concernent tout le monde et particulièrement les jeunes adultes. La pandémie cause une panoplie d’impacts négatifs sur la santé mentale de la population. À un point tel qu’il devient urgent de les atténuer selon divers spécialistes.

Devant ce constat, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) suggère, entre autres l’écoute de soi et la pratique d’activités agréables et relaxantes.

L’art peut aider à suivre ces recommandations et, plus que jamais, son potentiel d’apporter un bien-être psychologique en situation de crise fait l’objet d’études. Malgré ces constats, l’art reste un outil encore peu exploité en santé mentale.

Dans le cadre de nos travaux au sein de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire, nous étudions le potentiel vertueux des activités artistiques en temps de Covid.

Nous avons notamment observé, depuis le début de cette pandémie, différentes manifestations artistiques spontanées de la part de personnes confinées.

Certains ont réalisé des créations visuelles ou de la musique. D’autres se sont amusés à reproduire des œuvres connues ou à s’exprimer via l’art urbain. Des artistes ont composé des chansons en soutien au personnel médical et des musées ont tenu des expositions virtuelles ou à l’extérieur.

Nous avons également collecté des données sur les risques du confinement et les vertus de l’art sur la santé mentale. De plus, lors de la première vague de la Covid-19, nous nous sommes entretenus avec des art-thérapeutes et plusieurs artistes.

La détresse amplifiée

Les pandémies potentiellement mortelles génèrent diverses psychopathologies relevant principalement du stress. En effet, les consignes sanitaires, la durée et le caractère obligatoire du confinement peuvent être source d’angoisse. À cela s’ajoutent d’éventuelles difficultés d’accès aux soins, des pertes financières, l’éloignement des proches, la privation de libertés, l’altération de la routine et l’afflux d’informations anxiogènes.

L’alexithymie – ou l’incapacité d’identifier et d’exprimer ses émotions lors de troubles psychosomatiques – et la contagion émotionnelle – ou la propagation de l’humeur et de l’affect par l’induction directe d’émotions – risquent également d’amplifier la détresse psychologique.

Les experts en santé publique s’inquiètent également des dangers du déconfinement. Ils estiment que l’effet protecteur du repli chez soi suggère une possible émergence d’états anxieux après le confinement.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé, le 2 novembre 2020, un investissement de 100 millions de dollars de son gouvernement pour rehausser les services d’aide en santé mentale.
LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hugues

Les risques psychologiques de la quarantaine, observables à l’échelle mondiale, sont l’anxiété liée à l’incertitude, l’ennui, la dépression et les idées suicidaires.

L’art à la rescousse

Tardivement traitée, l’anxiété peut conduire à la dépression, pourtant on constate l’insuffisance de ressources dédiées à la santé mentale.

Préoccupé par cet enjeu, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux du Québec, Lionel Carmant, a annoncé ce 2 novembre, un investissement historique de 100 millions. Le ministre a précisé néanmoins que les besoins psychosociaux et en santé mentale continueront d’augmenter. Le gouvernement souhaite agir en amont en favorisant l’autogestion de la santé mentale pour améliorer la résilience des communautés. Bien qu’il ne figure pas spécifiquement parmi les axes d’investissement annoncés, l’art s’avère être une option à explorer.




À lire aussi :
La pandémie est dure pour la santé mentale. Voici comment mieux gérer anxiété et vague à l’âme


Devant le manque de services, des citoyens ont tenté de prendre soin d’eux par la pratique des arts. Les solutions artistiques deviennent une réponse possible à la détresse psychologique.

Sortir de l’immobilisme

L’art-thérapie allie expression créative, pleine conscience et autocompassion. L’autocompassion contribue à l’amélioration de la santé mentale et du bien-être émotionnel, psychologique et social. La pleine conscience favorise l’expression et l’autoréflexion. Un exemple d’art-thérapie à distance propose d’ailleurs de visualiser ses blocages personnels par la création artistique et ainsi surmonter ses difficultés durant la pandémie.

En outre, s’investir dans un projet artistique permet de sortir de l’immobilisme, d’améliorer l’estime de soi et d’activer ses sens.

Le processus créatif aide à soulager la détresse. Les objets artistiques créés traduisent une réalité interne dont on n’a pas toujours conscience. L’art-thérapie ouvre une voie pour exprimer, comprendre et réguler les émotions. Certains témoignages éclairent d’ailleurs sur le potentiel de résilience de l’art : l’œuvre devenant « objet de guérison ».

À titre d’exemple, le dessin est utilisé pour sa fonction de représentation, de projection et d’extériorisation ; l’image devenant un véhicule de la pensée. La sculpture sur argile stimule surtout la concentration et l’expression des sentiments. La Danse Mouvement Thérapie (DMT) agit principalement sur l’humeur, tandis que la création musicale est un levier de bien-être. La Norvège est d’ailleurs en voie d’intégrer la musicothérapie à son système de soins de santé mentale.

Covid-19 et art

En général, les Québécois pratiquent en priorité les arts visuels, l’artisanat, la danse et la musique. Vu l’ampleur des risques psychologiques de la crise actuelle et le potentiel de l’activité artistique pour les contrer, les infrastructures culturelles et l’accompagnement paraissent sous-dimensionnés.

Cependant, durant le confinement, les organismes culturels ont revu et maintenu les activités en ligne (Culture pour tous). Le musée CAM, The covidartmuseum, est ainsi né d’expressions artistiques libératrices liées à la Covid-19.

En outre, la pratique amateur a perduré et de plus en plus de personnes veulent se lancer dans des projets artistiques. Pour le public, l’envie est là. D’ailleurs, les organisations en lien avec nos aînés soulignent l’importance de ces actions artistiques auprès de leur clientèle.

En encourageant ces initiatives, il semble envisageable de soutenir l’intérêt pour l’art et la pratique artistique autonome. Les reproductions d’œuvres d’art à la maison, soutenues par certains musées, illustrent cette dynamique.

Chanter au balcon

Nos recherches montrent que pour soutenir toute forme de médiation artistique dans le contexte actuel, il importe d’innover, avec des spectacles en plein air ou des expositions virtuelles, par exemple. Comme l’ont fait les Italiens en chantant sur leur balcon, il faut s’adapter et retenir des processus artistiques permettant de soulager le stress et favoriser le mieux-être.

Nous avons constaté que différentes initiatives artistiques spontanées lancées par des personnes confinées, des artistes et des institutions ont pu être menées depuis le début de cette pandémie. Puisqu’elles génèrent un certain mieux-être, nous encourageons les pratiques artistiques et l’exposition aux œuvres d’art, particulièrement dans le contexte actuel.

Toutefois, ces recommandations ne doivent pas se substituer aux services médicaux ou psychologiques, lorsque nécessaire, notamment auprès des populations vulnérables.The Conversation

Karine Rajoelisolo Debergue, Doctorante en management, spécialiste en communication, Université du Québec à Montréal (UQAM); Caroline Coulombe, Professeur, Département de management / Department of Management, Université du Québec à Montréal (UQAM) et François Audet, Professor, School of Management Sciences, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.