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Bipolarité : le travail comme thérapie

Julie vient au Clubhouse, une association qui aide les personnes atteintes de troubles psychiques dans leur réinsertion, depuis plusieurs années, à la suite d’une hospitalisation psychiatrique et d’une volonté de retrouver un équilibre professionnel. Résultat, elle y a acquis la confiance en même temps qu’un nouveau travail épanouissant.

Julie a 29 ans lorsque le diagnostic tombe. “Psychose bipolaire”, caractérisée par un oscillement entre des états maniaques, parfois marqués par des symptômes psychotiques et des états dépressifs. Avant ses trente ans, la jeune femme a vécu l’errance médicale, des hospitalisations à répétition qui ne lui apportent aucune réponse mais plutôt un sentiment “infantilisant” de punition. C’est la rencontre d’une psychiatre probablement plus à l’écoute que d’autres et quelques séances de psychoéducation, pour comprendre la maladie, qui lui permettent enfin de voir le bout du tunnel. Pourtant, la route s’annonce encore longue : Julie vient de perdre son emploi, à la suite de sa dernière hospitalisation, “malgré toutes les tentatives de l’entreprise pour maintenir mon contrat”, indique-t-elle. 

C’est cette même psychiatre qui lui remet alors le pied à l’étrier : “Elle a fait le lien avec le SUR (Centre référent de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive Lyon, NDLR) pour que je bénéficie d’une réhabilitation cognitive qui vérifie notamment le relationnel. Première question posée : « dans quel domaine souhaitez-vous être aidée ? ». Elle répond : “dans le travail”. A peine les premiers coups de fils sont-ils déjà passés que Julie débarque au Clubhouse, l’association de sa renaissance au travail. 

Réinsertion sociale et professionnelle à durée indéterminée

Si le “clubhouse” n’a rien, contrairement à ce que laisse supposer son nom, d’une jeune pousse comme il en existe des centaines au cœur de la start-up nation, on peut dire d’elle qu’elle contribue aussi nettement au progrès humain. Son objectif : accompagner les personnes avec un handicap psychique vers la réinsertion sociale et professionnelle en leur permettant d’être eux-mêmes acteurs de leur destin. Plus qu’une association de transition, le Clubhouse offre un “accompagnement personnalisé pour chacun des membres, parfois pour préparer une reconversion, ou simplement pour réapprendre des gestes du quotidien : trouver un kiné, une carte de transport”, indique François, chargé d’insertion et de cogestion. “Les membres n’ont pas de limite de temps.” Avant de revenir sur le marché de l’emploi, Julie a pu retrouver la confiance, un sentiment envolé à la suite de ses hospitalisations successives : « J’ai déconstruit mes préjugés. Puis j’ai postulé à une première entreprise, partenaire du Clubhouse”. 

Une entreprise bienveillante

Là, le décor est planté dès le début : “J’ai pu parler de ma maladie lors de l’entretien”, indique Julie, rassurée par l’idée-même que l’entreprise déploie une dynamique de diversité large, avec des individus qui viennent de tous horizons. “Et aujourd’hui, je sais que si j’ai une fragilité dans le cadre de mon travail, je peux aller en parler au personnel RH”.  “L’équipe est au courant, mais ça n’est pas un sujet de discussion.” Une atmosphère bien différente de celles connues auparavant, dans ses précédentes expériences professionnelles. Plusieurs fois, Julie avait du répondre à des remarques indiscrètes sur la nature de ses arrêts maladies répétés. Après son absence, elle doit se justifier: “Qu’est-ce que t’as fait pendant un mois ?”. Alors Julie se tait bien souvent. Parce qu’elle sait la méconnaissance de ses collègues sur la maladie, et les interprétations faussées qui l’entourent : “Dans les médias, dans les films, c’est souvent associé à de la dangerosité », déplore-t-elle. “Un dangereux psychopathe, c’est l’info qu’on va retenir dans un fait divers. Or, ce n’est pas ce qui définit ces malades la plupart du temps”, rectifie-t-elle. Et de comparer : “C’est comme ces gens qui luttent contre le racisme en demandant de ne plus souligner l’origine de la personne à la télé, dans les journaux, pour éviter la stigmatisation.” Pour la santé mentale, c’est pareil.

Aujourd’hui Julie est installée dans l’emploi et va mieux. Elle n’a cependant pas arrêté de venir au Clubhouse, bénéficiant d’une adhésion à double niveau, en tant que bénévole et bénéficiaire. Et si la question du pourquoi de l’arrêt maladie venait à être posée en entreprise, Julie a déjà préparé sa réponse : “c’est une maladie longue durée, comme les autres”.